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A mon tour de poser devant le
Praga E.114.M. Je sais que lorsqu'il a été ramené de Tchécoslovaquie
à Mulhouse le rideau de fer tombait ou était déjà tombé et
les pilotes éprouvèrent bien des difficultés à pouvoir
quitter le pays avec ces avions neufs pourtant payés et en règle
avec l'administration locale. Le Carnet de Route que je conserve,
aucune page n'a été arrachée, commence par deux visas Veritas
appliqués les 30-4 et 23-7-48. Aucune trace de vol, aucun report
d'heures antérieur!!! La première mention par Veritas de ses
heures traduit un différentiel de 25 heures d'avec le moteur et
c'est donc, aux minutages de point-fixes près, ce qu'il devait
avoir en heures de vol. Mais j'ajoute que le différentiel entre
heures cellules et heures moteur allant diminuant j'en déduis un
peu de fantaisie dans la tenue des documents de l'avion. Je n'ai
hélas plus le Livre Moteur remis à l'acheteur voulant surtout
le Walter Mikron en 1965.
La vie de ce Praga commence officiellement page suivante au dos
avec le 18-7-48 un Mulhouse-Grenoble en 2h35... Le 13 juin il a
été classé R après inspection à Luxeuil sur accident avec 98h01
cellule et 125h16 moteur. Je sais simplement qu'une portion de
voilure a été plus ou moins refaite et que dès août il
revolait. Lorsque mon père l'a acquis en 1954, à l'époque il
était surtout utilisé par son confrère de Vesoul, le docteur
Simon, il totalisait 398h44 cellule et 425h43 moteur.
Prêté à une amie de la famille pour qu'elle s'initie au
pilotage et passe ses brevets il fut accidenté le 27 octobre
avec 534h24 de vol en fin d'une séance de double commande avec
le moniteur André Chatel, sur rupture à l'atterrissage de la
contre-fiche du demi train gauche.
Il s'en suivit une très longue immobilisation où toute la
cellule fut décapée jusqu'au bois par le mécanicien agréé
avec l'aide occasionnelle des uns et des autres membres du club
puis marouflée à la toile aviation et peinte en deux ou trois
couches après un enduit général. Il sortit tel qu'il apparait
photo 31 où son immatriculation n'est encore appliquée qu'en
intrados d'aile, et à l'envers, six mois après sa remise en
service!!! Il n'avait en effet revolé qu'à partir du 18
novembre 1956 et c'est en raison de l'interminable chantier que
je dus commencer ma formation au pilotage à Chaux sur NC 853 le
27 mai 1956, jour de mes 16 ans, pour être lâché à Toussus-le-Noble
le 5 août suivant après seulement 3h38 de double. Ce fut un peu
spécial car j'avais fait connaissance avec le Jodel la veille
par un unique vol de 32 minutes avant solo sur le D.112 F-BGLO
construit à Bernay par Lucien Querey pour le Groupe Aérien du
Colonel Thénault, autrement dit l'AéC de St Cloud. Cet écolage
officiel ultra bref en 9 vols et deux moniteurs s'explique par le
fait que depuis l'âge de 12-13 ans on me passa souvent les
commandes en vol puis pour des vols complets, quelque soit le
type d'avion du club, et j'avais, comme déjà dit en HS 2, une
expérience du vol depuis l'enfance que je chiffre en gros à
plus d'une centaine d'heures. Il va sans dire que jusqu'aux épreuves
de premier degré j'ai aussitôt continué une progression des
plus sérieuses avec Megrat, le moniteur qui avait osé me lâcher
après avoir essayé de me piéger sans succès sur un Aeronca
Chief et qui me forçait à faire du calcul mental pendant que j'obéissais
à ce qu'il me demandait en pilotage, un pilote moustachu de
Corsair dans la Royale en reconversion à Air France je crois, et
le moniteur chef de l'AéC de Saint-Cloud, Jean Belotti, très
pointilleux sur la formation, alors commandant de bord à Air
France et lui aussi un enfant du Territoire de Belfort comme Jean
Passadori et de deux autres au moins qu'on rencontrera au fil de
mes reportages et qui furent de grands pilotes...